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La disparition des plantes, une fatalité ?

Dernière mise à jour : 23 mars


Les plantes sont la base de l'écosystème, pourtant il nous est difficile de citer des espèces disparues, cependant, les plantes sont plus menacées que les oiseaux et autant que les mammifères. C'est près de trois espèces de plantes qui disparaissent chaque année, un rythme alarmant qui n'est pas près de ralentir si notre mode de vie ne change pas.





Partie 1 : Les plantes en voie de disparition et les plantes disparues


BD Tom Astuce sur la disparition des végétaux
BD Tom Astuce sur la disparition des végétaux

Commençons par se demander : Qu'est-ce qu'une espèce disparue ?


En biologie et en écologie, une espèce disparue est une espèce réputée n'avoir plus aucun représentant vivant, ni dans la nature, ni dans la captivité. Nous parlons d'extinction quand une espèce ou un groupe à totalement disparu, réduisant ainsi la biodiversité. Une étude parue dans la revue Nature Ecology & Evolution fait mention de 571 plantes disparues depuis 1750. Ce qui est deux fois plus que tous les oiseaux, mammifères et amphibiens disparus cumulés. Les plantes les plus touchées par des disparitions sont les arbres, arbustes et autres plantes ligneuses.


Il n'est pas si simple de prouver qu'une espèce végétale est éteinte. En effet, il peut arriver d'en redécouvrir certaine, ce fut le cas d'un arbre brésilien, le guarajuba, déclaré disparu en 1867, car surexploité pour la qualité de son bois. Finalement, il fut redécouvert en 2015. Cette anecdote n'est pas un cas unique, chaque année, les scientifiques redécouvrent en moyenne 16 espèces de plantes déclarées disparues. Cependant, de nombreuses autres disparaissent avant même que l'on découvre leur existence. On estime qu'au total 20 à 30 % des plantes sur Terre n'ont pas encore été répertoriées.


La disparition des espèces


En 1964, l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a mis en place une liste rouge qui répertorie l'état de conservation global des espèces végétales et animales. Dans cette liste, chaque espèce ou sous-espèce peut être classée dans l’une des neuf catégories suivantes :

  • Éteinte (EX)

  • Éteinte à l’état sauvage (EW)

  • En danger critique (CR)

  • En danger (EN)

  • Vulnérable (VU)

  • Quasi menacée (NT)

  • Préoccupation mineure (LC)

  • Données insuffisantes (DD)

  • Non évaluée (NE).


Les espèces sont classé selon une série de facteurs biologiques:

  • Taille de population

  • Taux de déclin

  • Aire de répartition géographique

  • Degré de peuplement

  • Degré de fragmentation de la répartition

Une étude menée par une équipe de scientifique à démontré qui existe 8,7 millions d'espèces dont 298 000 espèces végétales, et ce n'est pas moins de 40% d'entres elles qui sont menacées.


Panicaut vivipare (Eryngium viviparum J.Gay) Michel Rialain
Fig 1 : Panicaut vivipare (Eryngium viviparum J.Gay) Michel Rialain

Notamment le Panicaut vivipare (c.f Fig.1), cette espèce végétale est présente en Europe dont en France. Malheureusement, elle se fait de plus en plus rare, et n’existe actuellement que dans les parcs protégés en Bretagne. En effet, les conditions climatiques ne sont plus suffisantes pour son développement naturellement de ce fait, elle risque de disparaître définitivement d’ici une dizaine d’années.


Selon le rapport de Nature Ecology and Evolution près de 600 espèces de plantes ont disparu depuis le milieu du XVIIIe siècle. Un rythme 2,5 fois plus rapide que la disparition des espèces de mammifères, oiseaux et amphibiens combinés, sur la même période, il s'agit de 217 espèces qui ont disparu.




Depuis 1900, on estime que 3 espèces de plantes disparaissent chaque année. Ainsi, pour l'année 2020 ce sont 3 plantes qui ont officiellement disparues dans le monde :

  • Persoonia laxa (plantes à fleur de la famille des Protéacées, Australie).

  • Leucadendron grandiflorum (plantes à fleur de la famille des Protéacées, Afrique du Sud).

  • Ochrosia kilaueaensis (plante à fleur de la famille des Apocynacées, Hawaï).


Les arbres ont également été touchés avec la disparition du : Banara wilsonii, Euchorium cubense, Faramea chiapensis, Hesperelaea palmeri, Monteverdia lineata, Roystonea stellata.


Parmi les plantes classées comme "éteintes" certaines sont "fonctionnellement éteintes", c'est-à-dire qu'elles ont disparu dans la nature, mais sont encore présentes dans les jardins botaniques.


Les zones les plus touchées


Fig 2 : Le nombre d'espèces de plantes disparues depuis 1750 dans le monde. ©AELYS Humphreys et al, Nature Écologie & Évolution 2019
Fig 2 : Le nombre d'espèces de plantes disparues depuis 1750 dans le monde. ©AELYS Humphreys et al, Nature Écologie & Évolution 2019

La disparition d'espèces végétales concerne principalement les îles et les régions tropicales, qui possèdent une biodiversité très riche (les îles qui représentent 5% de la masse terrestre mondiale hébergent 17% des espèces d'oiseaux et de plantes de la planète) mais aussi très vulnérable : la majorité des extinctions d'espèces ont lieu sur les îles. Une des causes majeures des extinctions sur les îles est due à l'introduction d'espèces envahissantes.

Hawaii est l'archipel le plus isolé du monde, ce qui a permis le développement d’une faune et d’une flore uniques, avec plus de 90% d’espèces endémiques, dont 2 500 espèces de plante. Cet archipel possède également le plus haut taux d'extinction, avec 79 espèces disparues sur les 501 espèces répertoriées en voie de disparition.

Les provinces du Cap en Afrique du Sud totalisent 37 extinctions. L'Australie, le Brésil, l'Inde ou encore Madagascar figurent également parmi les régions les plus touchées.(c.f Fig 2. ).


Les plantes agricoles


Ces disparitions touchent également les plantes agricoles, en effet selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 75% de la diversité des plantes cultivées a disparu en un siècle. Depuis la naissance de l'agriculture ce n'était pas moins d'une dizaine de milliers de végétaux cultivés, aujourd'hui seulement 150 espèces de plantes nourrissent la planète. Nous pouvons prendre en exemple les tomates, seulement 7 espèces ont subsistés contre une trentaine en 1900. Ce sont les conséquences d'un modèle agricole qui sélectionne des variétés plus robustes aux aléas climatiques, plus normées esthétiquement et dont la croissance est la plus rapide.


Évolution de la diversité cultivée du blé tendre en France de 1912 à 2006Données et figures issues de Goffaux R., Goldringer I., Bonneuil C., Montalent P. Et Bonnin I. (2011), Quels indicatuers pour suivre la diversité génétique des plantes cultivées ? Le cas du blé tendre cultivé en France depuis un siècle. Paris Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
Fig 3 : Évolution de la diversité cultivée du blé tendre en France de 1912 à 2006. Données et figures issues de Goffaux R., Goldringer I., Bonneuil C., Montalent P. Et Bonnin I. (2011), Quels indicatuers pour suivre la diversité génétique des plantes cultivées ? Le cas du blé tendre cultivé en France depuis un siècle. Paris Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

L'évolution de la diversité cultivée du blé tendre en France à radicalement diminuée de 1912 à 2006 (c.f Fig 3. ). Selon deux indicateurs. À gauche : nombre de variétés cultivées à l’échelle nationale. À droite : indice Ht* , la diversité génétique globale. On constate qu’en dépit d’une augmentation importante du nombre de variétés cultivées, la diversité génétique globale a diminué de moitié en un siècle pour cette culture.

La disparition des végétaux en France

En France métropolitaine ce n'est pas moins de 6070 espèces de plantes indigènes qui sont recensées, et 742 espèces présentent un risque de disparition (soit 15%). Mais toutes les espèces ne possèdent pas le même degré de menace, 9% sont en menace sévère et 22 espèces ont déjà disparu, (c.f Fig 4. ). Parmi ces espèces menacées, 32% sont des fougères et 15% des fleurs, la violette de Cry (Viola cryana) fait partie des espèces considérées comme éteintes au niveau mondiale. Il s'agissait d'une espèce endémique du département de l'Yonne, en France. La carline à gomme (Carlina gummifera) est quand à elle considéré comme une espèce disparue au niveau régionale.


Source : UICN France, FCBN, AFB & MNHN GT communication du réseau des CBN
Fig 4 : Infographie. UICN France, FCBN, AFB & MNHN GT communication du réseau des CBN
Une espèce est dite endémique lorsqu'elle est présente exclusivement dans une région géographique délimitée.

Les DROM-COM sont aussi très touchés. Selon une enquête publié par le Comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), 15% des 1 706 espèces de la flore vasculaire indigène sont menacées en Guadeloupe. 5 espèces ont déjà disparu et 110 sont menacées, parmi elles ont retrouve l'orchidée Anathallis mazei et le Ti-branda (Polygala planellasi), tous deux endémiques de l'archipel, classés "en danger critique".


Concernant la flore de la Réunion, on compte 237 espèces végétales endémiques sur les 905 espèces de plantes présentent sur l'archipel, elles constituent pourtant un patrimoine unique. Sur les 905 espèces végétales ce n'est pas moins de 49 espèces soit 5,4% qui ont malheureusement disparu de l'île, et 30% sont menacées.





Partie 2 : Les causes de ces disparitions


La disparition des espèces végétales est principalement liée à l'activité humaine. En effet, les activités humaines représentent près de 80% de l'extinction des plantes et ont multiplié par 500 le taux d'extinction. Mais il existe d'autres types de pression, parfois naturelle, comme l'évolution du trait de côte (c.f Fig. 5 ), modifié par l'érosion de la frontière entre le domaine maritime et le domaine continental.


Histogramme des Pressions recensés sur les plantes de la liste rouge © JC. HAUGUEL
Fig 5 : © JC. HAUGUEL


Les 4 menaces écologiques majeures


1 – Le dérèglement climatique ;

Les périodes de sécheresse (voir notre article sur la sécheresse) de plus en plus fréquentes jouent un rôle dans la disparition de nombreuses espèces végétales. Ces sécheresses sont liées à l'augmentation de la température, des précipitations variables, et de l'intensification des canicules et des incendies. Ainsi, les plantes n'arrivent plus à s'adapter et meurt.


Selon une étude publiée dans la revue Science, le changement climatique entraine la disparition d’oiseaux et de mammifères, et une modification de certain habitats, ce qui a pour conséquence de réduire la capacité des plantes à s'adapter au changement climatique, ainsi les espèces végétales doivent se déplacer à la recherche de condition météorologique plus adaptées (c.f Fig. 6 ), malheureusement certaines espèces dépendent des animaux : les graines de barbane sont dotées de minuscules crochets qui s’accrochent à la fourrure des mammifères; d’autres espèces se déplacent via le tube digestif des animaux.


Modification de l’aire de répartition du hêtre en France entre aujourd’hui (à gauche) et 2100 (à droite) suite aux variations climatiques engendrées par le réchauffement. © Inra
Fig 6 : Modification de l’aire de répartition du hêtre en France entre aujourd’hui (à gauche) et 2100 (à droite) suite aux variations climatiques engendrées par le réchauffement. © Inra


Pour les îles dont nous parlions précédemment, une des cause majeure de leur vulnérabilité est le dérèglement climatique qui entraîne une hausse générale du niveau de la mer et qui entraine une disparition des îles.


La pollution atmosphérique, liée au mode de vie des humains (pesticides, trafics aérien, maritime et routier, production d'énergie) cause également des dégâts sur les végétaux. 90% des pertes de rendement sont dues à la pollution atmosphérique. Par exemple, les gaz polluant perturbent les arbres : leurs branches sont déformées et les feuilles jaunissent.

Les polluants comme les particules de diesel bouchent les pores des feuilles, la plante respire ainsi mal, ce qui a pour conséquence de perturber la photosynthèse. Les pluies d'acides, liées à la rencontre entre un nuage de pluie et un nuage de pollution, sont dues à la pollution atmosphérique. Ces pluies vont brûler les feuilles et faire perdre le sol en fertilité.


La surfréquentation touristique participe également à la pollution atmosphérique, en effet le tourisme est responsable de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit 3,9 milliards de tonnes de CO2 chaque année. Il est l'un des secteur avec la plus forte croissance mondiale et représente 10.2% du PIB global. Avec un emploi sur dix, il s’agit également d’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois au monde. Selon l’OMT, 95% des touristes mondiaux se concentrent sur moins de 5% des terres.


2 – L'agriculture ;

De manière générale, avec l'augmentation de la population, de plus en plus de terrains vierges, ont été transformés en terrains agricoles afin de répondre aux besoins alimentaires des humains. De plus, certaines pratiques agricoles s'avèrent néfastes pour la biodiversité, comme le surpâturage qui dégrade les sols ou l'utilisation abusive d'herbicides, ainsi les espèces qui accompagnent les moissons (les messicoles) sont affectées. Parfois qualifiées de mauvaises herbes, les messicoles représentent pourtant une ressource non négligeable pour les pollinisateurs. Elles enregistrent un effondrement de leurs populations, ce sont 18 plantes messicoles de la liste nationale sur les 102 espèces qui sont menacées d'extinction en France. Certaines d'entre elles sont ainsi protégées comme la Gagée des champs, la Tulipes de Savoie ou encore le Pied-d'alouette pubescent. 7 sont malheureusement déjà éteintes comme l’Aneth des moissons et l’Ivraie du lin.


La pollution des sols est également en partie liée à l'agriculture. D’après le service scientifique de la Commission européenne, 75 % des sols du monde sont aujourd’hui dégradés. Érosion, pollution chimique, salinisation ou artificialisation des terres avec l’extension des villes et des routes ont des conséquences visibles sur les espèces végétales. (c.f Fig. 7 ) Lorsque les plantes poussent dans un sol pollué, le rendement est impacté négativement en termes de quantité et de qualité. De nombreuses plantes sont incapables de pousser sur un sol contaminé en raison de changements de pH, de diminution de la matière organique, des réserves de carbone diminuées, et du manque d'eau.


Carte sur l'état des sols dans le monde
Fig 7 : Carte mondiale de la qualité des sols. Source : PNUE

3 – Les espèces invasives

Qu'est ce qu'une plante invasive ? (c.f Fig. 8 ) Il s'agit d'une espèce exotique, importée soit de manière involontaire (par exemple lorsque des graines d’espèces exotiques contaminent des marchandises importées), ou de manière volontaire pour sa valeur ornementale ou son intérêt économique (c'est le cas de nombreuses plantes cultivées comme la tomate, la pomme de terre, le maïs qui, par sa prolifération, transforme et dégrade les milieux naturels de manière plus ou moins irréversible). En France, la jussie rampante (Ludwigia peploides) est une espèce invasive. Elle fut introduite vers 1820 au jardin des Plantes de Montpellier pour ses vertus décoratives. L'invasion du territoire français a commencé sur les rives du Lez - un fleuve côtier qui coule dans le département de l'Hérault.



Schéma sur les espèces  invasives
Fig 8 : Les différentes espèces de plantes invasives ©Groupe de travail sur les plantes invasives

Aucune disparition d’espèce n’a été attribuée à des espèces exotiques envahissantes en Europe à ce jour, mais la menace est importante sur la diversité biologique locale, ainsi que sur la diversité génétique en raison des possibilités d’hybridations entre espèces locales et espèces exotiques proches.











Le changement climatique influe sur la prolifération des espèces invasives, en effet, celle-ci aiment particulièrement la chaleur, ainsi nous vous invitons à regarder la vidéo du Ministères Écologie Énergie Territoires sur ce sujet !


Exemple de plante invasives présentes en France:
  • L'Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) ou l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) sont des espèces très envahissantes pas moins de 4% des surfaces agricoles françaises sont infestées.

  • Le Houblon du Japon (Humulus scandens). Il s’agit d’une liane rampante se propageant sur les berges de rivières qui diminue fortement la biodiversité et modifie la structure de l’écosystème.

  • La Berce du caucase (Heracleum mantegazzianum) est une plante invasive qui est plus présente notamment le long des axes routiers et le long des rivières.</